Klara, accompagnée de sa belle-famille, avec son père...

Klara tentait de marcher à travers la foule. Il faut bien dire que celle-ci était dense ! Tant de gens venait ici pour cette fête lugubre... Car même si certain en profitait pour se soûler ou danser, la jeune femme déteste cette soit-disant fête. Pour fêter quoi au juste ? Le passé, les morts, la mort ? Tous ce qu'elle voulait elle c'était aller de l'avant, le passé c'est le passé, les morts sont les morts. De plus elle ne tenait pas vraiment à tomber sur un mort qu'elle même avait assassiner... Qu'est ce qu'elle pourrait leur dire ? <Bonjour, comment allez-vous depuis que je vous ais mis un poignard dans le ventre ?> Totalement pathétique !
D'habitude, elle refusait d'y mettre les pieds. Mais cette fois-ci, son demi-frère et sa belle-mère avait insisté pour qu'elle vienne... Il faut dire que Ecus possèdait un pouvoir de persouasion hors du commun...
- Klaaaaaaara ! Dépêches-toooiiii !
C'était une voix d'adolescent, le genre qui venait juste de muer et qui avait donc quelque petit dérapage dans les aigüs de temps à autre. C'était la voix d'Ecus, son beau-frère qui lui faisait de grands signes dans la foule pour qu'elle voit bien où il était. Elle soupira de lassitude et joua des coudes pour le rejoindre. Quelle discrétion !
Arrivée devant lui, son frère l'embrassa sur les deux joues avec un grand sourire, tout en disant :
-Heureusement tu es venue ! Maman était sûr que tu ne viendrais pas, mais moi j'étais sûr que tu viendrais ! De toute manière on serait allés te chercher par la peau des fesses !
Klara répondit à son bavardage d'un haussement de sourcils ironiques. C'est vrai que son frère avec ses muscles de crevette anorexique n'aurait aucunes difficultés à la faire sortir de chez elle...
Elle embrassa aussi la petite femme qui se tenait juste à côté d'Ecus.
- Prête ? lui demanda simplement sa belle-mère, Appoline.
La grande femme hocha la tête, prit un petit caillou et un morceau de craie, inspira profondément et inscrit d'une écriture nette et décidée :
Emon Bourgea
Son père.
Après un instant, voyant qu'elle restit là sans bouger, Appoline prit lui des mains la pierre et la déposa doucement sur l'eau claire.
Il fallait patienter....

Personnage non joueur Nombre de messages : 18 Date d'inscription : 17/11/2007

Klara, accompagnée de sa belle-famille, avec son père... 1118483214

Emon fandait la foule, tout spectre qu'il était. Il n'était jamais venu à cette fête. Il se souvenait de ses paroles, lorsqu'il était encore vivant. "Une fête pour les morts ! Les morts sont morts, voilà tout !". Mais lorsque son âme ne trouve pas le repos, on fanfaronne moins. Fidèle à ses idées et à ses opinions, pendant plus de cinq ans il avait erré, quelque part entre le monde des morts et celui des vivants. Il avait surveillé sa petite famille, Ecus qui devenait un adolescent, Appoline qui se remettait, lentement, de sa mort. Klara, comme toujours insondable.

Il était venu cette année pour les voir. Il savait qu'Appoline avait enfin décidé sa belle-fille à venir, et il ne voulait pas qu'ils se déplacent pour rien. Il les cherchait lorsqu'une voix oscillant entre l'aigü et le grave cria un nom qui lui était familier. Il observa de loin trois personnes se retrouver. Après sa mort, ils étaient devenus une famille soudée. Il regarda l'aînée prendre une pierre et commencer le rituel. Ce fameux rituel était étroitement lié à la religion, mais au fil des siècles, tous avaient oublié que ç'avait été, à la base, un moyen de propagande.

La jeune femme qu'il épiait semblait plongée dans ses pensées. Au moment ou sa deuxième femme lui prit la pierre des mains et la plongea dans l'eau, la regardant dériver, Emon apparut derrière le petit groupe. Il prit la main d'Appoline, sans penser qu'il lui infligeait un contact des plus désagréables.

- Ainsi, vous êtes venus...

Pronnonça-t-il à la cantonnade, mais les yeux rivés sur ceux de sa veuve.

- Les enfants, je suppose que vous comprenez que... j'ai besoin de parler seul avec Appoline ?

Les enfants... Klara était loin d'être une enfant, et il savait que cela la frustrerait de s'entendre appeler comme ça. De plus, il était parfaitement conscient qu'elle ne supporterait pas qu'il prenne sa femme à part, maintenant qu'ils se revoyaient. Cela ne l'empêcha pas de prendre Appoline par le bras et de l'entraîner dans la foule.

Il revinrent, bientôt. Appoline regardait son mari avec des étoiles dans les yeux, comme ces jeunes gens amoureux pour la première fois. Ce fut dans un silence qu'il laissa Appoline avec son fils, et prit le bras de Klara. D'un regard, il signifia à Ecus que ce serait bientôt son tour. Il entraîna sa fille, puis, lorsqu'ils furent noyés dans la foule :

- Marchons un peu, si tu veux bien. Tu dois avoir autant de chose à dire que moi.

Ils restèrent un moment silencieux. Emon attendait que sa fille prenne la parole. Les mots se bousculaient, mais ne voulaient pas franchir ses lèvres. Comme avec Appoline, les retrouvailles tant attendues n'étaient finalement pas si simples.

Klara fut agréablemment surprise en voyant arriver son père derrière eux. Cela faisait si longtemps qu'ils ne s'étaient pas vus, qu'elle avait craint d'avoir oublier les traits de son visages. Elle était contente finalemment d'avoir était entraîner par son petit frère !

Mais son bonheur chuta brutalemment quand elle remarque que son père gardait les yeux rivés à ceux de sa belle-mère, Appoline. Et qu'il avait à peine jeté un regard à son petit frère ou à elle-même. Même si ça ne gênait pas tellement Ecus, il ne l'avait pas assez connu pour l'admirer au même point que Klara, leurs relations n'étaient même pas comparable !
Elle se souvenait de ses longues nuits, où dans la pénombre de sa chambre elle avait recraché toute son amertume en pleurant en silence. Sa jalousie, jusqu'alors enfouie se réveillait et la sensation qui en ressortait était peu agréable. Tout en cachant sa douleur, elle subit sans broncher l'affront que lui fit son père en l'appelant 'enfant'. A presque trente ans et de la part de la personne qu'elle admirait le plus au monde, celle faisait mal.
En attendant le retour de son père, elle regarde son petit frère sauter partout en chantant une chanson populaire : "Je voulais aller à l'école/ lalalalala/ mais j'ai recontré une fille/ lalalalala/ des étoiles dans les yeux / lalalalala/ j'suis pas allé à l'école-euh" ( mais qui est l'auteur de ses paroles ?? xD).

Son père revient, finalement. Il lui fit signe de la suivre et elle, incapable de faire autre chose, le suivit. Ils marchèrent un moment un silence, puis, son père, qui avait toujours détesté les longs silences sembla s'agiter.
Il attend surement que je prenne la parole..
Klara réfléchit un instant, se décida de commencer par dire si elle allait bien , se demandant si elle devait être sincère dans sa réponse, ou non. Les gens demandaient souvent cela, simplement pour la forme ou pour meubler une conversation vide de sens. Dans les deux cas, il faut simplement dire 'oui, tout va bien', car la question n'est pas vraiment sincère.... Mais à son père ce n'était pas la même chose !
Et puis, que pouvais t-elle lui dire ? Qu'elle se remettait toujours en question actuellement ? Qu'elle n'arrivait pas même à faire son travail correctement, tellement elle dormait mal ? Qu'elle en avait assez de sa vie, qu'elle ne vivait même pas ? Que désormais elle enviait les couples de son âge, amoureux ?
Elle soupira de lassitude. Bien sûr, elle ne dirai rien, comme toujours. Elle se tairai, ferait semblant d'être la plus heureuse des femmes et laisserai son père aller tranquillement dans l'au-delà sans lui faire part de ses soucis.
Se forçant à faire une exquise de sourire (qui ressemblait surtout à une grimace) elle prononça, de sa belle voix grave :
Eh bien... Ne te fais pas de soucis pour moi, je vais bien... Et toi ?
Mais même à elle sa voix laissait paraître son amertume. Et puis cette ridicule question ! Demandait-on à un mort si il allait bien ?

[finit ! ]

Personnage non joueur Nombre de messages : 18 Date d'inscription : 17/11/2007

Emon, heureux, observait sa fille. Elle était belle, sa Klara, si belle. D'une beauté froide, d'une beauté sombre et distante. Mais qu'il était fier de la voir reprendre le flambeau, de la voir si digne. Oui, elle était la digne fille de son père. Oui, en bon père, il aimait sa fille, plus que tout. Jamais il n'avait eu de préférence entre ses enfants, il les aimait tous deux autant : fort, très fort. Et l'avantage d'être mort, c'était que l'on pouvait enfin l'accepter. On laisse tomber les masques, on voit enfin son vrai visage, on accepte ses sentiments.

Le tueur devient un père, un mari. Le tueur aime enfin, mais il est trop tard. Le tueur, qui l'était resté même chez lui, au plus profond de son intimité, dans sa maison, son nid, montre enfin à quoi il ressemble. Mais il est trop tard. Derrière ses cicatrices se montre enfin Emon, mais Emon est mort.

Emon est mort. Que c'est douloureux de se le dire enfin. Cela faisait longtemps, bien sûr, qu'Emon était mort et oublié de tous. Mais voilà qu'aujourd'hui, on fêtait sa mort dans cet évènement morbide. Aujourd'hui, on enterrait Emon, le père, le mari, le tueur. Aujourd'hui, on enterrait tous ceux qui avaient eu le malheur de mourir, on les oubliait dans les flots d'un fleuve artificiel. Et puis on retournait vaquer à ses occupations, et les spectres, petit à petit, perdaient leur emprise sur les esprits des vivants.

Quelle mauvaise idée que cette fête ! Ils n'auraient pas du venir, aujourd'hui. Et ce silence, ce silence ! Etait-ce cela qui l'attendait ? Un silence éternel ? Etait-ce cela, la mort ? Avoir une fille et ne pas savoir quoi lui dire ? Pouvoir lui parler une dernière fois et l'entendre débiter des banalités, des mensonges qui plus est ?
Emon connaissait sa fille mieux que personne. Il lui avait appris à mentir, et elle s'en servait maintenant effrontément, elle lui lançait ses mensonges en pleine figure, comme s'il ne s'en rendait pas compte.

Ah, l'ingratitude des enfants ! On lui en avait tant parlé. Le tueur avait écouté d'une oreille distraite, mais le père avait refusé d'entendre.

Il s'arrêta, au risque de gêner le doux ondulement de la foule. Il prit le menton de Klara entre deux de ses doigts, et la regarda, au plus profond de ses yeux, exactement identiques aux siens.

"- Non, tu ne vas pas bien. Tu as beau le dire de ta voix séduisante, tu ne séduiras pas ton père. Ton père à qui tu es venue dire adieu. "

Il soupira, et lui lacha le menton. Son regard dériva, avant de revenir plonger sur le visage de Klara :

"- Ton père qui te surveille, Klara, ton père qui te connait et qui sait que tu ments. Ton père qui a un jour aussi eu ton âge, même si c'est dur à croire. Ton père qui t'aime... "

Finit-il dans un souffle...

"-Mais je ne peux pas t'aider. Peut-être la mort m'a-t-elle changée, puisque je n'y croyais pas, mais désormais, j'ai foi en ton destin. Tu construiras une vie comme j'ai construis la mienne. Je crois en ton futur, et c'est toi qui a en main les outils pour le construire"

Un rire, bref, comme toujours.

"- Ironique, non, un mort qui croit au futur ?"

Et puis, tout d'un coup, un changement. Un changement d'atmosphère, de sensation. Il se palpa l'avant bras, porta ses mains à son visage. Il siffla, jura tout bas. Il murmura quelque chose comme :

"-J'avais bien dit à Appoline de ne pas jeter cette pierre"

A vue d'oeil il devenait de plus en plus transparent, il disparaissait. Avec le peu de matérialité qui lui restait, il enlaça sa fille.

"-Ma pierre a suivi son cours et arrive à la fin de son chemin."

Il lui caressa les cheveux, et des larmes coulèrent le long de ses cicatrices. Il n'avait pas pu voir Ecus, il n'avait pas pu dire tout ce qu'il voulait. Et maintenant, il devait partir, abandonner définitivement ce monde. Cruel, ça l'était. Il ne déserra pas son étreinte, mais celle-ci devint de plus en plus immatériel. Il voulait s'en aller dans les bras de Klara, montrer de la faiblesse pour la première fois de sa vie, et même de sa mort.

"- Adieu, princesse. Je t'aime."

Les larmes coulaient sur ses joues, et le père s'en allait...

Klara le regarda partir. Sa tête lui tournait, ses jambes tremblaient et menaçaient de se dérober.
Elle tomba à genou, prit sa tête entre ses mains et pleura.
Elle pleurait la mort de son père, elle pleurait le bonheur que lui avait procuré les mots qu'il avait prononcé, elle pleurait de joie, de douleur, elle pleurait son enfance, elle pleurait sur sa pauvre vie, insignifiante, elle pleurait tout simplement comme elle ne l'avez pas fait depuis bien longtemps.
Puis, se redressant, elle essaya ses larmes d'un geste de la main, leva la tête, fière et combattante.
Une nouvelle vie allait commencé.

» Klara